Pâturage et robot de traite Un parcellaire adapté au robot ou un robot qui s'adapte au parcellaire ?
L’arrêt du pâturage n’est pas une fatalité quand arrive un robot de traite. Maintenir le pâturage a de réels intérêts pour le coût alimentaire mais aussi pour répondre aux attentes sociétales. Un parcellaire groupé, de bons chemins, une organisation optimale ont permis à Christophe Vermet et Jean-Pierre Blanchard, éleveurs en Ille-et-Vilaine, de concilier les deux.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Qui a dit que robot de traite et pâturage ne faisaient pas bon ménage ? Pas le Gaec des Onze écluses. Chez ces éleveurs de Tinténiac (35), les vaches ont retrouvé avec bonheur leurs pâtures et vont se faire traire quand bon leur semble. « 70 % des éleveurs équipés d’un robot font, plus ou moins, pâturer », confirme Anthony Baslé, consultant robot à Eilyps.
Lorsque, en 2009, Christophe Vermet et Jean-Pierre Blanchard, son voisin, ont décidé de créer un Gaec, s’est posée la question de l’installation de traite. Si la stabulation de Christophe Vermet pouvait accueillir leurs 70 à 80 vaches en installant les taries et les génisses ailleurs, la salle de traite 2x5 semblait bien insuffisante. « Elle datait de 1978. Même si elle avait été rénovée en 1992, elle était trop juste », se souvient Christophe Vermet. Pour une installation mieux dimensionnée, les deux associés font des devis. « Pour une 2x7 avec compteurs à lait, on en avait pour 70 000 € plus de la maçonnerie, avec un robot, c’était 120 000 € mais une économie sur la charge salariale, chiffre l’éleveur. Pour trancher, nous avons fait une étude économique avec notre centre de gestion. » C’est le robot qui l’emportera. Une stalle Lely A3 est installée. Elle sera équipée d’une porte de tri qui oriente vers le box d’isolement ou les pâtures. Car, pas question pour les éleveurs de remettre en cause la place du pâturage. « Le robot est un moyen de traire, insiste Christophe Vermet. Même en l’installant, on voulait continuer à faire pâturer nos vaches pour la maîtrise du coût alimentaire et aussi pour leur bien-être. On a la chance d’avoir 17 ha à coté de la stabulation. C’est pas énorme mais suffisant. » Aujourd’hui, la production s’élève à 800 000 litres et le coût alimentaire est contenu entre 75 à 80 €/1 000 litres grâce au pâturage et à la précision dans la distribution de concentrés.
Optimiser le pâturage
Si l’arrivée du robot n’empêche pas le pâturage, elle a demandé aux deux éleveurs de revoir leur organisation pour favoriser le passage des vaches à la traite. Avec l’aide de leur conseiller Eilyps, ils ont retracé de plus petits paddocks, conduits en pâturage dynamique. « Les vaches ont 70 ares pour deux jours avec un fil avant. Ça augmente l’appétence et ça les motive à sortir », explique Christophe Vermet. Le matin, les vaches sont bloquées au cornadis car elles ont un complément de ration. « On leur distribue la moitié, bientôt seulement un tiers de la ration, calcule l’éleveur. Ça me permet de garder des vaches, par exemple à inséminer. Les non traites doivent passer par le robot pour sortir. » Les autres restent une demi-heure dans la stabulation le temps de boire puis direction le pré. « Comme elles ont encore faim, elles sortent vite. » À part en période de grosse chaleur, l’éleveur a fait le choix de ne pas mettre d’eau au champ pour inciter les vaches à revenir à la stabulation pour boire et en profiter pour passer au robot. À 17 h, la fin de la ration est distribuée. « Les vaches ont fini leur paddock et rentrent seules. » Quand elles dorment dehors, direction un paddock de nuit, toujours équipé d’un fil avant, après un passage obligé au robot. Si bouger les fils avant demande du temps, Christophe Vermet estime que c’est le moyen d’avoir un pâturage efficace. Il vise les 11 tonnes de MS valorisées.
La conciliation robot et pâturage demande de bons chemins, car les vaches font plusieurs allers-retours entre le pré et la stabulation. «Un chemin glissant freine les vaches. S’il y a trop de cailloux, elles s’abîment les pattes », reconnait l’éleveur qui s’apprête à refaire 250 mètres, gentiment labourés par des sangliers !
Quand les vaches sont au pâturage, leur rythme de traite se ralentit. « Il faut accepter qu’il y ait un peu moins de traites, on est entre 2,6 et 2,8 en hiver et entre 2,2 et 2,4 au pâturage, prévient Anthony Baslé, avec des variations de lait selon les jours, par exemple selon les changements de paddock. Ce qu’il faut regarder c’est la production sur la semaine. » Par instinct grégaire, les vaches auront aussi tendance à toutes rentrer en même temps. Sur une stalle saturée, ça peut embouteiller. « Quand on dépasse les 75 vaches présentes, ça sature un peu », reconnait Christophe Vermet.
Et si le robot de traite s’installait au pré ?
Pour lever le frein de l’accessibilité des parcelles, la station expérimentale de Trévarez teste depuis 2012 un robot transportable. Installé l’hiver en stabulation, il suit la cinquantaine de vaches dans leurs pâtures estivales.
Concilier robot et pâturage exige un parcellaire groupé. À la station expérimentale de Trévarez (29), c’est le cas mais en deux îlots distants de 4,5 km. Depuis 2012, l’équipe herbivore des Chambres d’agriculture de Bretagne y teste la mobilité du robot de traite. À chaque printemps, le robot déménage vers les 22 ha les plus éloignés où les vaches, conduites en bio, passeront cinq mois avec un régime 100 % herbe. Un tel déménagement est possible car le robot Delaval et le tank à lait sont installés sur des remorques. Le robot est sur une bétaillère, dont le pont s’abaisse pour faciliter la montée des vaches. La deuxième, une remorque légumière, transporte le tank. Les deux sont habillés de panneaux isolants. En hiver, les deux remorques sont installées à l’intérieur de la stabulation. Au printemps, il faudra de 13 à 17 heures de travail cumulées pour trois à quatre personnes pour les installer dans les pâtures. Avec quatre ans d’expérience, le transfert n’est plus considéré comme un problème et se fait sans le concessionnaire. Le robot est arrêté seulement trois heures.
« La mobilité du robot a coûté 95 000 euros, chiffre Estelle Cloet, chargée d’études à la Chambre d’agriculture de Bretagne : 45 000 € pour l’achat et la transformation des remorques, 50 000 € pour l’aménagement de la plateforme estivale (stabilisation, stockage des effluents, raccordements eau et électricité, chemins). » Ce surcoût est amorti par au moins 150 jours en 100 % herbe, ce qui permet une production journalière de 18 kg avec un coût alimentaire inférieur à 15 €/1 000 l.
Sur 2014, le coût de fonctionnement du robot s’est élevé à 7 600 €, soit 26,3 €/1 000 l, avec 23,2 € pour la maintenance, 0,6 € de produits de lavage et 2,5 € pour les produits d’hygiène. Deux autres robots mobiles fonctionnent, un dans l’Aveyron avec deux stalles, l’autre dans le Doubs.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :